L'EPU et l'éducation aux droits de l'homme (EDH)

Dès sa création par la Résolution 60/251 de lʼAssemblée générale de lʼONU, à New York, le 15 mars 2005, le Conseil des droits de lʼhomme a accordé une place importante à lʼéducation aux droits de lʼhomme. Le § 5 de cette Résolution, qui dresse la liste des tâches et dʼobjectifs du Conseil, précise dès son point a) que le Conseil doit «promouvoir lʼéducation et la formation dans le domaine des droits de lʼhomme».

Un Comité consultatif (1) créé par le Conseil des droits de l’homme a été chargé de travailler à la rédaction d’un projet de Déclaration sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme. En effet, le Conseil des droits de l’homme accorde une place importante à l’éducation aux droits de l’homme (EDH) alors que l’ancienne Commission n’avait pas de mandat sur cette thématique. Désormais, les États ont l’obligation de rendre compte au Conseil des droits de l’homme de l’existence de cette éducation dans le cadre de la procédure EPU. Dès lors, cette éducation prend figure d’obligation conventionnelle et devrait en conséquence faire l’objet d’une attention particulière de la part des États. Depuis le de la révision du Conseil en 2008, les travaux ont bien avancé. Un projet de Déclaration sur l’éducation aux droits de l’homme (2) devrait être adopté par le Conseil à la session de mars 2011. Il faut cependant noter que des difficultés existent concernant ce projet de déclaration. En effet, en septembre 2010, le CIFEDHOP a suivi la rencontre entre les Etats concernant ce projet de déclaration ; certains Etats sont réticents à l’idée d’une déclaration sur ce thème car ils remettent en cause le fait que l’éducation et la formation aux droits de l’homme est un droit fondamental.

Cette vision est un retour en arrière et n’est pas partagée par tous les Etats. Il faut donc continuer à en vue de l’adoption de cette Déclaration, dans un premier temps par le Conseil, puis par l’Assemblée générale. En effet, il ne fait aucun doute que l’éducation aux droits de l’homme est un droit fondamental :

Le droit à l’éducation de manière globale est prévu dans le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966. Ce Pacte est souvent considéré comme celui des droits des pauvres car, les droits économiques, sociaux et culturels sont ceux qui requièrent l’assistance de l’Etat pour leur mise en œuvre. En réalité, ce Pacte est celui des pauvres droits. En effet, en conditionnant la réalisation des objectifs contenus dans le PIDESC à l’existence de ressources disponibles, les rédacteurs ont vidé de sens les droits énoncés en donnant une justification aux Etats pour dissimuler leur manque de volonté politique à les mettre en œuvre. Le 10 décembre 2008, l’ONU a adopté un protocole facultatif au PIDESC permettant de rendre les droits contenus dans le Pacte justiciables, mais ce protocole doit être ratifié par 10 Etats au minimum afin de pouvoir entrer en vigueur.

Le droit à l’éducation aux droits de l’homme tel qu’il est conçu dans la DUDH est un droit fondamental. Mais lors de la rédaction des Pactes de 1966 et par la suite, le droit à l’éducation aux droits de l’homme a subi un déclassement de fait. A l’ONU, les Etats et les Comités ont, en effet, tiré la conclusion implicite que l’éducation aux droits de l’homme ne peut être réalisée qu’après la mise en œuvre du droit à l’éducation. La démarche onusienne en terme d’éducation aux droits de l’homme est tronquée, il s’agit uniquement d’enseigner les droits de l’homme et non pas d’éduquer aux droits de l’homme.

En réalité, l’éducation aux droits de l’homme comporte deux dimensions :

Cette dernière dimension est rarement présente dans les instances internationales.

(1) Le comité consultatif sert de « groupe de réflexion » au Conseil, lui fournissant expertise et conseil sur des questions thématiques des droits de l'homme. Il a été crée en 2007 par la résolution 5/1

(2) Voir recommandation 4/2 du comité consultatif portant sur le projet de déclaration en matière d’éducation aux droits de l’homme : disponible en ligne http://www2.ohchr.org/english/

 

Ce qu’il faut entendre par EDH

Ce qui ressort des nombreux traités et de l’interprétation qui en a été faite par les différents acteurs, notamment les organes des traités, il faut entendre par éducation aux droits de l’homme.

 a) Les droits de l’homme par l’intermédiaire de l’éducation : cela signifie veiller à ce que tous les éléments et moyens d’enseignement, y compris les programmes, les manuels, les méthodes et la formation, sont propices à l’apprentissage des droits de l’homme.

b) Les droits de l’homme dans l’éducation : cela signifie veiller au respect et à l’exercice des droits fondamentaux de tous ceux qui interviennent dans le système éducatif. ».

L’EDH c’est donc les droits par l'éducation et l'éducation par les droits.

 

Les traités internationaux et l'EDH

Nombreux sont les traités par lesquels les Etats s’engagent à mettre en place l'éducation aux droits de l’homme. A titre principal, sous une forme ou une autre, cette éducation est prévue par les textes suivants.

Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 26.2),

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art. 7),

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 13.1),

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (art. 10 c),

Convention relative aux droits de l’enfant (art. 29. 1),

Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (art. 5.1 a). 3.

Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme (adoptée en mai 2010)

Pour plus de détails, télécharger la publication L’éducation aux droits de l’homme en droit international : fondements, bilan et perspectives (2006). En format PDF.

Les indicateurs de l'EDH

Le texte qui suit est tiré du Bulletin EIP-info n°3 (2009) de l'Association mondiale pour l'École instrument de paix

L’éducation aux droits de l’homme : pour des indicateurs appropriés

Il importe de construire des indicateurs efficaces de l’éducation aux droits de l’homme permettant de prendre la mesure de l'acquittement par les États de leurs obligations. Des instruments d'ordre quantitatif, certes, mais aussi qualitatifs qui permettent d'évaluer les niveaux de compétences acquises des enseignants et la compatibilité des valeurs de l'éducation avec celles qui sont affirmées dans les instruments internationaux traitant l'éducation sous toutes ses formes.

L’on devrait examiner attentivement des indicateurs qui, à notre sens, conviendraient très bien à l’évaluation de l’éducation aux droits de l’homme, en particulier l'accessibilité, l'acceptabilité, l'adaptabilité et la redevabilité.

L'accessibilité est liée au principe de non-discrimination, notamment sur le plan de la condition socio-économique des apprenants, de l'égalité des filles et des garçons, des structures d'accueil suffisantes en nombre ainsi que des coûts de l'éducation.

L'acceptabilité se traduit par des approches et des contenus de l'enseignement congruents et de qualité.

L'adaptabilité est le critère qui veut que l'enseignement soit suffisamment souple de manière à pouvoir s'adapter aux besoins des sociétés en mutation, tout en répondant au meilleur intérêt de l'enfant.

La redevabilité pose que les gouvernements, les institutions et les personnels chargés de l’EDH ont des comptes à rendre de leurs actions en matière de promotion et de réalisation de cette éducation.

Dans cet esprit, il serait sans doute souhaitable de créer un dispositif de veille permettant de documenter et d’évaluer périodiquement la situation de l’EDH dans le monde.

 

 

Les acteurs de l'éducation aux droits de l'homme

Outre les ONG, différents acteurs sont concernés par l’éducation aux droits de l’homme.

1) Les Etats

Les Etats sont tenus de présenter des rapports aux organes de traités selon les conventions internationales qu’ils ont ratifiées, et au Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’EPU. Cependant, il est à déplorer que l’éducation aux droits de l’homme soit très rarement invoquée, et lorsqu’un Etat y fait référence, c’est souvent de manière tronquée en confondant ce droit fondamental avec le droit à l’éducation civique ou religieuse, ou encore avec l’éducation au patriotisme. En réalité, la seule invocation de l’éducation au droit de l’homme se résume souvent à une présentation de la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l’enfant.

2) Les Comités conventionnels

Les Comités (organes de traités) reçoivent des rapports et les examinent avant de formuler des recommandations. Le problème réside dans le fait que les Comités se contentent souvent des informations fournies par les Etats sans chercher d’informations complémentaires. De surcroît, aucun Comité ne relève la confusion faite par un grand nombre d’Etats entre l’éducation aux droits de l’homme et l’éducation civique. Enfin, lorsque l’EDH est invoquée, c’est uniquement dans sa dimension d’enseignement aux droits de l’homme. Le silence des Comités est d’autant plus préjudiciable que lorsqu’un Etat passe devant l’EPU, le HCDH se fonde majoritairement sur les conclusions des Comités pour élaborer son rapport.

3) Les procédures thématiques ; le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation

Un Rapporteur spécial a été nommé en 1998. De 1998 à 2002, ses rapports se sont centrés sur l’éducation en termes quantitatifs et non qualitatifs laissant ainsi le sujet de l’éducation aux droits de l’homme de côté. Depuis deux ou trois ans, le nouveau Rapporteur spécial commence à prendre en compte cette thématique. Que faut-t-il espérer de la Déclaration sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme ? Il ne faut pas se faire d’illusion, tout ne peut pas changer en un tour de main. Il faut espérer que chaque acteur, dans son rôle accorde plus d’importance à l’éducation aux droits de l’homme, car ce droit fondamental est la porte d’accès à la vie, à la citoyenneté et à la réalisation des droits de l’homme. De par son importance, on comprend la réticence des Etats à participer à la mise en œuvre de ce droit.